Thursday, June 23, 2011

BOTI ... BOTI !

Booo … Tiii, Boti, Booo … Ti!


Avez-vous déjà entendu ce cri, cette voix, parfois ce chant, qui vous interpellent dans votre rue, Booo … Tiiii, Booo … Tiiii … ? Si oui, vous vivez, ou vous avez vécu ici !                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                               A ma connaissance il y a un seul pays au monde où il est possible d’entendre le ‘’Boti’’ dans la rue: ‘’LES PHILIPPINES’’.

Que veut dire ‘’Boti’’ ?

Boti en langue philippine correspond à bouteille en français ;  en fait un mot d’origine espagnol désignant la bouteille, repris par la langue locale, qui n’ayant pas d’équivalent a utilisé ce mot, pour désigner une bouteille en particulier et tout ce qui est en verre en général.


Chaque jour, en après-midi, le plus souvent le matin, le cri de ‘’Booo…Tiii’’ retentit dans les rues des villes et village philippins.

Boti, cela correspond à quelque chose entre notre récupérateur de produits recyclables et notre ferrailleur. A la différence prés que dans nos pays développés, nous avons à trier nous même nos ordures, sans en tirer un centime, alors qu’ici passe le ‘’Boti’’ qui va vous offrir un peu d’argent pour vos déchets. Plastique, verre, ferraille, carton et papier, tout ce qui peut-être recyclé va être acheté par le Boti. Téléviseurs, réfrigérateurs, tables et chaises en plastique, 
le tout hors d’usage,  bouteilles, boites de conserve, etc.


Tout ce que vous jetteriez aux ordures, en temps normal, dans nos pays occidentaux.
Ne vous attendez pas à gagner une fortune en vendant au Boti, juste quelques pesos, le kilo de plastique est à 4 pesos, le kilo de ferraille aux alentours de 10 et la bouteille de verre d’un litre à 1 peso.


Le Boti travail pour un ‘’Junk Shop’’, la boutique avec son propriétaire, un bout de terrain protégé par du fil de fer barbelé sur lequel est montée une cabane de bambou au toit de tôles ondulées. La hausse du coût des matières premières de ces dernières années a vu se multiplier le nombre de ‘’Junk Shop’’.

De un ‘’Junk Shop’’ dans la ville de  Ternate il y a dix ans, nous sommes passés à une bonne quinzaine aujourd’hui.


Dès le levé du jour,  vers six heures en cette période de l’année, le Boti se rend à son Junk Shop afin de prendre possession de son véhicule. Un vélo de petite taille sur lequel est soudé, du côté droit, une sorte de panier monté en side-car avec une roue de la même taille que celles du vélo.                                                                                                                                                                                                                                                
Le nom de cet attelage : ‘’Le Pedicab’’.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             Le Boti contrôle son pédicab, la chaîne qui a tendance à sauter, les pneus qui se dégonflent, les soudures du panier qui souvent cassent. Les freins ? Pas de frein sur un pédicab ou alors un frein local ; un pneu usagé, attaché sous le panier et que l’on va écraser avec le pied sur la chaussée. Le frottement du pneu sur le ciment fait effet de frein (la plupart de nos routes sont en ciment). Pas très efficace, mais c’est mieux que rien et la ville est plus ou moins plate.

Dernier contrôle mais pas des moindres, la balance qui sert à peser les achats du Boti. Si vous avez de grandes quantités de produits à vendre au Boti, je vous conseille vivement d’avoir votre propre balance. La balance du Boti ayant tendance à afficher 800gr au kilo.

Le Boti récupère un peu d’argent auprès du propriétaire du Junk Shop, quelques centaines de pesos, son capital qui va lui servir à acheter les marchandises. Il sait d’avance à quel prix le propriétaire va racheter les produits de récupération, à lui de négocier au mieux ses transactions afin de dégager le maximum de marge.


Prêt ! Il enfourche son pédicab, pousse sur les pédales et s’en va sillonner les rues de Ternate en chantant, criant ou murmurant : «Booo …  Tiii, Booo … Tiii».    

Le premier avantage est visible à l’œil nu, l’environnement est plus propre, moins de décharges sauvages, pas de boîtes de conserve qui rouillent dans la rivière.   Deuxième avantage, cela donne un peu de travail à certains, dans une ville ou il n’y a pas beaucoup d’opportunités. La plus grosse et la seule industrie de Ternate étant la fabrication de ‘’Bambou Sticks ‘’. La pièce sur laquelle ont enfile la viande pour faire des brochettes.


Mais il  y a aussi des inconvénients. Si le travail du Boti est exclusivement réservé aux hommes, pas de femme Boti, de plus en plus de gamins sont utilisés comme Boti. Souvent des gamins de dix, douze ans, attirés par la possibilité de gagner quelques pesos, qu’ils vont, le plus souvent, aller dépenser dans les trop nombreux ‘’Vidéo Game Shops’’ qui pullulent aux Philippines.


La crise économique mondiale est aussi passée par les Philippines. Il devient de plus en plus difficile, pour certains parents, d’envoyer leurs enfants à l’école.                                                                                                                                                                                                                        
J’estime le nombre d’enfants non scolarisés en primaire à 20/25% sur Ternate. Sans tenir compte des familles de squatters qui vivent dans les ‘’montagnes’’ dont les nombreux enfants ne vont certainement pas à  l’école.


Le deuxième inconvénient et qui pose problème : certains n’hésitent plus à voler pour s’approprier des pièces ou objets qu’ils vont aller revendre au Junk Shop. Tout ce qui est métal est particulièrement prisé et de nombreuses pièces en acier inoxydable, utilisées dans les ‘’Bancas’’ (la barque locale), ont tendance à disparaître. Attaches des balances, hélices, axes des moteurs, accastillage, … achetés entre 80 et 100 pesos au kilo. Le cuivre est également très prisé ; récemment notre rue a été privée d’éclairage public pendant plusieurs semaines, les 600 mètres de fils électriques qui alimentaient les lumières de la rue ont disparus en une nuit.


Il y a quelques mois, lors du passage d’un typhon, plusieurs lignes électriques du quartier de ‘’Sapang’’ sont tombées à terre. Quelques opportunistes ont profité de l’occasion pour s’approprier quelques dizaines, voir quelques centaines de mètres de câbles de cuivre. Devant le carnage, Meralco notre EDF locale, a décidé le remplacement de la totalité des lignes. Plusieurs énormes rouleaux de câbles de cuivre ont été amenés sur place et, …  ont immédiatement disparu.                                                                                                                                                                                                                                                                             
Devant l’ampleur du vol, Meralco a déposé plainte et a menacé les habitants du quartier d’être privé d’électricité si les rouleaux n’étaient pas restitués.                                                                                                                                                                                                                          
Deux mois plus tard l’électricité était de retour, pas les rouleaux.


La route qui va de Manille à Ternate est appelée ‘’Super Highway’’ ou Governor drive, en fait une bonne deux voies roulante et correcte, en partie asphaltée, en partie  cimentée.  Les plots fluorescents encastrés dans l’asphalte et servant à délimiter de nuit le milieu de la chaussée ont pratiquement tous disparu. Il s’agit de cubes d’aluminium d’une quinzaine de centimètres avec une partie en verre. L’aluminium est à 180 pesos !


Ils y a quelques années, au Sud de Manille dans la province de Quezón, quelques individus ont enlevé des rails de la seule voie de chemin de fer en service aux Philippines. Le résultat ne s’est pas fait attendre longtemps, le premier train passant par là a déraillé, entrainant la mort de plusieurs personnes et en blessant plusieurs dizaines d’autres.                                                                                                                  
Les responsables ont été arrêtés et emprisonnés.

Bienvenu aux Philippines, « Booo …
Tiii … Booo … Tiii, Boti, Boti … »

 P.S: 1 € = 62 Pesos Philippins.



Expériences, critiques et commentaires sont comme d'habitude les bienvenus. 

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