Crise économique, printemps arabes, guerre en Syrie et dans une moindre mesure en Iraq, rien ne semble pouvoir arrêter le flux de plus en plus imposant des travailleurs philippins qui se rendent à l'étranger pour y travailler.
Ce sont pratiquement un million supplémentaire de ces travailleurs qui chaque année viennent gonfler cette armée de mercenaires du travail.
On estime généralement qu’environ douze à quinze millions de Philippins travaillent à l’étranger. Sur ce total, deux à trois millions sont des émigrants qui ont choisi de faire leur vie à l’étranger, souvent en adoptant la nationalité du pays d’accueil. Etats-Unis, Canada, mais également Europe, Royaume Uni, Italie, Espagne et Allemagne, sont les plus prisés.
La majorité, soit près de dix millions, sont des OFW (Overseas Filipino Workers), des personnes qui vont travailler pour un temps plus ou moins long dans un pays étranger. En général un contrat de deux ans qui peut être prolongé d’une année et éventuellement renouvelable une ou plusieurs fois.
Pour exemples : femmes de ménage sur Hong-Kong, Singapour, Israël … hommes dans le secteur de la construction, principalement sur les pays du Golf et Singapour. Egalement jeunes femmes engagées comme ‘’entraîneuses’’ au Japon, en Corée, mais aussi en Indonésie, Malaisie, Hong-Kong et Singapour, sans oublier les nombreux orchestres Philippins qui tournent dans le monde entier.
Au premier abord, cela peut sembler presque parfait. Le OFW qui perçoit un salaire de trois à quatre fois supérieur à celui qu’il pourrait espérer ici, envoie tout ou partie de son salaire à la famille restée au Pays et fait vivre au moins cinq ou six personnes aux Philippines.
Je prends l’exemple d’un cousin de mon épouse, charpentier au Quatar depuis plus de deux ans maintenant : Il fait vivre sa femme et ses trois enfants, aide sa mère qui est veuve, soutient l’éducation de ses deux plus jeunes sœurs et dépanne très (trop) souvent deux de ses frères sans emplois stables.
Principal avantage, permet d’aider financièrement au jour le jour la famille restée aux Philippines.
Mais regardons maintenant les inconvénients.
L’argent est dépensé immédiatement, pas ou pe d’investissement.
Dans la plupart des cas l’OFW reviendra au pays avec rien ou presque rien, il ne lui restera qu’une solution, repartir !
Nombreux sont ceux, aux Philippines, qui attendent l’argent plutôt que de rechercher un emploi,
Nombreux couples qui se séparent, difficile de rester seul(e) plusieurs années. Je reprends l’exemple du cousin, dont la femme est enceinte alors qu’il est absent depuis plus de trente mois ! Véritable phénomène de société, enfants ballotés entre les grands-parents, les oncles et tantes, les amis, les voisins, souvent séparés les uns des autres …
Quelques inconvénients au niveau non pas individuel ou familial, mais au niveau national. Les infirmières Philippines sont très prisées à l’étranger et leurs diplômes reconnus dans de nombreux pays occidentaux.
L’exode est important, de nombreuses infirmières s’exilent, sans espoir de retour et il y a pénurie d’infirmières aux Philippines. Mieux que ça, de nombreux médecins locaux passent aisément le diplôme d’infirmier afin d’aller exercer à l’étranger, comme infirmiers dans un premier temps, comme médecins après avoir passé les diplômes du pays dans lequel ils entendent exercer.
L’argent transféré par les Philippins travaillant à l’étranger a eu un effet très positif sur l’économie locale pendant de nombreuses années, mais a aussi un impact négatif indirect sur la production intérieure et les exportations.
Une étude intitulée ‘’Impact Macroéconomique des Transferts aux Philippines’’ par Cayetano W. Paderanga, Economiste de l’Université des Philippines, confirme que l’arrivée en constante augmentation de dollars transférés renforce le Peso Philippin mais augmente les coûts de production et de main d’œuvre rendant ces derniers plus élevés ici que dans les pays compétiteurs de la région.
Pour cette raison, si un fort Peso fortifie les comptes extérieurs (balance des paiements) et les réserves en devises, il érode également la compétitivité des Philippines en termes d’exportation et dégrade sa position comme pays d’investissement, plus spécialement pour les industries.
Le mauvais côté d’une monnaie qui s’apprécie est le déclin dans la compétitivité en terme de coût. Les voisins asiatiques sont considérés comme plus compétitif en termes de salaires et autres intrants et sont, de ce fait, plus attractifs pour les investisseurs.
Plus la monnaie se renforce, plus la compétitivité des produits domestiques souffre et l’on note que les investissements ont dramatiquement chutés ces dernières années et ce même si les transferts des OFW augmentent.
Paderanga, Président de The Institute for Development and Econometric Analysis Inc., fait remarquer que si l’épargne locale a considérablement augmenté avec l’apport des transferts en devises, cette épargne n’a pas été réinjectée dans des projets de développements prioritaires locaux. L’argent dort sur des comptes faiblement rémunérés … au profit de ?
Malgré la récession qui a frappé les économies développées l’an dernier, les transferts des OFW ont augmentés de 5,61 % à $17,35 milliards, ce équivaut plus ou moins à 10% du Produit National Brut des Philippines. Cette année la Banque Centrale table sur une augmentation de l’ordre de 6 %.
Dans une récente interview, Sergio R. Ortiz-Luiz Jr., Président de la Confédération des exportateurs Philippins, dit être d’accord avec cette analyse. Les exportateurs eux même reconnaissent que leurs ventes en dollars sont devenues négatives du fait de la trop forte appréciation du Peso, conséquence directe des transferts en devises.
Il ajoute : ‘’Il est devenu moins cher pour nous d’importer que de fabriquer’’. (Remittances negative indirect impact).
‘’Ce que nous voulons éviter ce sont des emprunts de l’Etat à l’étranger et une politique monétaire qui favorise un Peso fort plutôt qu’un taux de change compétitif’’, ajoute Alvin P. Ang professeur d’économie à l’Université de Santo Tomas.
Le problème est, qu’à long terme, cela peut mener à la stagnation des industries locales … Uniquement importer et stopper les investissements, ce qui ne va pas contribuer à la création d’emplois. C’est le problème d’un pays dont le principal poste d’exportation est la main d’œuvre.
La solution se trouve dans le développement d’industries locales qui puissent donner des emplois décents aux travailleurs locaux et qui les dissuadent, par là même, de rechercher des emplois à l’étranger.
C’est ce qui pourrait être fait immédiatement par le Gouvernement en utilisant intelligemment l’épargne disponible des OFW.
Une rémunération plus attractive, de l’ordre de 4 à 5 % sur l’épargne des OFW, avec la garantie de l’Etat, permettrait de mettre en place un fond disponible pour la création de petites et moyennes entreprises et industries.
Les prêts devraient être disponibles rapidement et à un taux de 4 à 5 % + les frais de fonctionnement d’une agence spécialisée qui reste à créer.
Mais y a-t-il volonté du Gouvernement ?
Les deux secteurs qui pourraient immédiatement créer des emplois, à mon avis tout du moins, sont le tourisme et les mines.
En 2012. ce sont près de 21 milliards de dollars qui ont été transférés aux Philippines par les OFW.
Mais ceci est la face visible et officielle, en fait ces transferts sont nettement plus élevés.
Expériences, critiques, avis et commentaires, comme d’habitude sont les bienvenus.
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